Colloque international de Chambon-sur-Lignon (8 au 10 septembre 2014)

06/09/2014 17:57

Date: 8 au 10 septembre 2014

Site : Remembering in a Globalizing World : The play and Interplay of Tourism, Memory and Place

Communication : Arrangements et mises en récits de mémoires dans la Mouraria (Lisbonne) : réhabilitation d’un quartier « typique » et captation des flux de la mondialisation / de la mémoire arabe aux visites chantées.

Texte d'appelLa mémoire n’est pas seulement considérée comme l’acte individuel et cognitif de se souvenir du passé. Elle est également définie à travers un ensemble de pratiques sociales permettant une mobilisation/reconstruction du passé, et s’est même imposée comme un « devoir » dans nos sociétés contemporaines (le « devoir de mémoire « ) cherchant à surmonter des passés traumatiques. Les mémoires « sociales », « culturelle », « historiques » ainsi qu’elles sont différemment désignées, contribuent à façonner les identités contemporaines (sociales, politiques, culturelles, territoriales…) – et la contestation même de ces identités dans un Monde en recomposition. 

Qu’on l’aborde dans sa dimension individuelle ou collective, la mémoire exprime un rapport au passé, mais aussi une relation à nous-mêmes, aux autres, au temps, à l’espace et contribue à façonner notre vision du monde. A la suite de Maurice Halbwachs, on peut étudier les relations intrinsèques qui unissent mémoire, pratiques des lieux et espace, l’espace permettant un « ancrage » de la mémoire, à travers son inscription dans la matérialité d’un lieu, ou à travers des formes d’appartenance plus symboliques inscrites dans la durée. La conférence souhaite questionner plus précisément ces interactions, à travers les pratiques et les représentations du tourisme/du touriste. 

Le tourisme est souvent considéré comme un facteur d’instrumentalisation et de marchandisation des mémoires « sociales », « culturelles » ou « publiques ». Si cette approche mérite réflexion, on peut sans doute la dépasser et considérer le tourisme comme part intégrante d’un nouveau « régime mémoriel » : le tourisme, ses acteurs, ses pratiques et ses représentations participant aux constructions mémorielles contemporaines, tandis que ces dernières contribuent à transformer le tourisme.

Ce colloque cherche à mettre en lumière les interactions entre mémoire et tourisme, à travers des approches différentes sur le plan disciplinaire et épistémologique.

Nous cherchons à comprendre en quoi la montée du tourisme et le développement des pratiques et politiques mémorielles s’articulent et s’influencent dans des contextes variés. Il s’agit aussi de voir comment la mémoire est mobilisée par le tourisme, à fois à un niveau individuel et collectif, contribuant à la redéfinition des identités, l’invention d’imaginaires associés aux lieux et aux communautés, les usages du passé comme instrument de domination vs résistance, et la production de nouveaux territoires. Les phénomènes de reterritorialisation liées aux nouvelles échelles des constructions mémorielles et à l’émergence d’un espace touristique mondialisé font ainsi partie des questionnements centraux de ce colloque. Nous souhaitons  interroger les phénomènes transnationaux liés aux mobilités (diasporas) et aux échanges caractérisant la mondialisation – sans pour autant minorer, loin s’en faut, l’importance des « immobilités ». On peut se demander quelles sont les formes renouvelées d’appropriation, de contestations et de négociations caractérisant les constructions mémorielles contemporaines, au sein d’un Monde postcolonial, ‘postmoderne’, de plus en plus interconnecté et mobile, mais aussi profondément inégalitaire.

Nous souhaitons également explorer l’hypothèse selon laquelle les constructions mémorielles émergentes peuvent être analysées non nécessairement comme un effet de la mondialisation mais comme un agent de la mondialisation. Au-delà de la spécificité des contextes, le tourisme et ses flux participe-t-il à la construction d’un « espace public globalisé » (F. Rousso) ? Comment expliquer la diffusion généralisée de catégories comme le « tourisme de mémoire / remembrance tourism » ? Le tourisme joue-t-il un rôle actif dans une convergence des sociétés dans leur rapport au passé, aux « héritages » et dans leur manière de concevoir le rapport à soi, à l’Autre, à la nation dans un contexte d’échanges généralisés, de mobilités croissantes et de recompositions politiques (néonationalismes, transnationalismes…) ? Par ailleurs, dans quelle mesure les politiques et les pratiques mémorielles suscitent-elles de nouvelles formes de mobilités (touristiques), des interactions culturelles, de nouvelles modalités d’échange et de mise en réseaux à différents niveaux d’échelle ? Quelles échelles sont pertinentes pour penser les mémoires « collectives » ? Comment et dans quels espaces circulent-elles ?

Nous souhaitons placer au centre de la réflexion les acteurs, leurs pratiques, leurs représentations et leurs « justifications » : touristes, acteurs institutionnels, intermédiaires culturels (guides, consultants…) ou encore les aménageurs, en accordant une grande place à la question des échelles  expériences des visiteurs mettant en jeu la mémoire.

Le colloque souhaite ainsi mettre l’accent sur le rôle de la mémoire (individuelle et collective) dans l’expérience et les pratiques touristiques. Il permettra d’examiner en quoi la mémoire est mobilisée dans l’expérience touristique et le rapport des touristes aux lieux : d’une part en envisageant en quoi la mémoire en tant que « souvenirs » des lieux, des personnes et des cultures que nous découvrons à travers nos voyages, participe pleinement de notre expérience en tant que touriste – tout en la prolongeant. D’autre part, en questionnant les « lieux de mémoire » en tant qu’espaces représentés, imaginés, perçus, visités, parcourus, ressentis – en un mot, ‘vécus’ par les visiteurs individuellement ou collectivement. Questionner les émotions, les comportements et les perceptions associées aux lieux de mémoire nous parait une dimension essentielle pour comprendre ce qui se joue en ces lieux lorsqu’ils sont visités. Par ailleurs, la question des interactions entre touristes, entre habitants et touristes, entre touristes et « producteurs » de lieux de mémoire pourra aussi être abordée ; de même que celle des pratiques, des comportements et des représentations différenciées des lieux visités, selon les catégories de touristes : genres, appartenances nationales, différences sociales, etc…

Le colloque envisage donc de questionner les phénomènes de convergence, de différenciation mais aussi d’échanges à tous les niveaux d’échelle, de l’échelle mondiale à celle des lieux et des individus.

Nous invitons des chercheurs issus de disciplines variées à soumettre leur proposition : tourism studies, histoire, géographie, cultural studies, sociologie, memory studies, anthropology, sciences politiques… Comme l’une des dimensions du colloque est de comprendre en quoi le « tourisme de mémoire » s’est mondialisé, nous encourageons les approches comparées ou multiscalaires.